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Expliquez votre procédé technique ?

La première étape est la recherche d’un émail. Il concerne la couleur et la texture des futures céramiques. C’est une étape très précise et méthodique qui permet de maîtriser la reproductibilité des émaux. Je prépare des dizaines, voire des centaines d’essais, sur de petits tessons modelés avec la, ou les terres choisies. Les concentrations en minéraux et en cendres végétales varient peu à peu dans ces séries d’essais. Ainsi, on va quadriller une zone théorique, limitée, dans laquelle la fusion de l’émail se produit.

Pour ce qui est de la forme, les pièces sont modelées à la main, presque sans l’aide d’outils car le contact direct avec la terre est une sensation, pour moi, irremplaçable. Les terres que je privilégie sont des grès assez riches en fer, qui apporte sa contribution à la couleur, ou au contraire la porcelaine dont la blancheur laisse à l’émail son intégrité. Grès et porcelaine sont plastiquement de natures très différentes, ce qui exige des processus créatifs spécifiques à chacun.

Une première cuisson est effectuée à 950 °C, puis la pièce est émaillée par trempage ou par aspersion, selon sa taille et sa forme, et cuite une deuxième fois à 1280 °C.

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Comment naît l'idée de la forme ?

Je ne pars pas d’une idée préconçue de forme et, quand cela arrive, le résultat est de toute façon assez divergent de l’ébauche mentale initiale. Je ne fais presque jamais de dessins préparatoires mais c’est plutôt la forme finie qui, parfois, se prête au jeu du dessin.

Les mains ont donc un rôle crucial à jouer dans l’évolution de la forme, de même que la particularité de la terre, qui dicte en partie le chemin emprunté et le résultat constaté.

C’est donc plus un processus organique, matériel, avec son rythme propre, ses contraintes, qu’un processus mental. Et c’est pourquoi la terre est mon matériau de prédilection, pour ce contact plus immédiat, plus charnel. L’intermédiaire du crayon, du pinceau, si je l’ai pourtant beaucoup pratiqué, est moins dans ma nature. Il a cependant été un prérequis incontournable car il a forgé mon regard au fil des années. Cela fait quinze ans que je dessine, notamment beaucoup de modèles vivants. La ligne se traduit et se retrouve à présent en volume.

En quoi votre vision de biologiste participe-t-elle à votre travail artistique ?

Car j’ai touché à l’invisible, au minuscule, à la complexité des processus vitaux. J’ai appréhendé l’unité du vivant à l’échelle cellulaire, et sa sérialité, son architecture au niveau tissulaire. J’ai beaucoup travaillé en microscopie, avec ma sensibilité visuelle donc. Je ne cherche pas à m’inspirer de ces visions passées mais, à travers mon expression artistique, je constate parfois, au détour d’une forme, qu’elles m’habitent. Cette vision introspective de la matière vivante m’a, de façon contre-intuitive, éloignée de la science et rapprochée de la nature en m’apportant beaucoup d’humilité par rapport à elle. Loin de vouloir la contrôler, je veux seulement lui rendre hommage. Se dessine ainsi en moi depuis quelques années, évoluant avec ma pratique artistique, céramique, une vision du monde moins anthropocentrée et plus respectueuse de ce qui nous entoure, en même temps que me choque le tournant inhumain qu’empruntent les sociétés industrialisées, auto-proclamées civilisées. Mon engagement artistique est aussi éminemment politique, écologique. Il parle de l’ambivalence humaine issue de nos peurs. Il est une évidence aujourd’hui, alors que voici dix-sept ans que j’ai quitté la science pour l’art. Il est exacerbé par la crise que nous traversons et qui révèle, à qui veut les voir, nos béantes failles.

 

Propos recueillis par Caroline Canault, décembre 2021

DIPLOMES et FORMATION

2021 : Formation professionnelle, Stage Grandes Pièces, Gisèle Buthod-Garçon, Maison de la Céramique, Dieulefit

2017-2020 : Formation de céramiste, auprès du céramiste lyonnais Emmanuel Estève.

2015-2018 : Licence en Histoire de l’Art, Université Lyon II. Participation au chantier de fouilles gallo-romaines dirigé par Matthieu Poux, Panossas, été 2016.

2005-2007 : Bases du dessin, Ecole Emile Cohl, Lyon.

2004-2005 : Formation de mosaïste d’Art, Conservatoire des Meilleurs Ouvriers de France, St Etienne.

1996 : Doctorat en Immunologie de l’Université de la Méditerranée (ex-Aix-Marseille II), Marseille.

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